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  • Leila Comportementaliste

Adopter un chat qui vient de la rue ? Le cas de Nimba



Vous voyez ce petit chat roux qui traîne en bas de votre bâtiment et vous aimeriez tellement l’aider, lui offrir la chaleur d’un foyer et plein d’amour.

Mais attention, il y a plusieurs facteurs à prendre en compte pour déterminer si c’est une bonne idée, pour lui comme pour vous !

Un chat haret, c'est un chat de la même espèce que nos chats domestiques, à la différence que lui est retourné à l'état sauvage. Cette différence n'est donc pas biologique, mais purement éthologique. Il peut y avoir plusieurs degrés, celui qui vit de la chasse dans une forêt sans jamais croiser d'humains par exemple, ne se comportera pas de la même manière que celui qui vit avec d'autres congénères au milieu de résidences en banlieue.

En effet, le second vivra plus souvent de restes jetés par les humains dans les poubelles et d'âmes charitables qui viennent lui déposer des croquettes à même le sol.

Le chat haret, contrairement au chat libre, ne recherche pas la compagnie de l'humain et s'en méfie.


Tout d’abord j’aimerais partager mon expérience car j’ai moi même adopté un chat haret, mais vous verrez à travers mon récit que Rome ne s’est pas fait en 1 jour !

2017, j’aménage dans un quartier résidentiel en périphérie d’Aix en Provence avec mon compagnon pour mon année de licence. Nous sommes au rez de chaussée. Et notre balcon donne sur l’allée commune entourée d’un peu de verdure.

Je remarque immédiatement la présence d’une belle brochette de chats, qui semblent être installés depuis un bon moment. Certains sont même tatoués et plutôt à l’aise avec les humains. J’en déduis qu’il ont été abandonnés.

Et là, mon "alerte révolte" s’allume, je suis tellement touchée par le sort de ces pauvres chats qui ont auparavant connu la chaleur d’un foyer avant d’être jetés à la rue comme de vulgaires encombrants.

Plus les jours passent, plus je découvre des profils différents. Certains ont l’air d’être des chats qui n'ont jamais côtoyés d'humains, fuyant, feulant dès qu’ils nous voient, peu importe la distance. Je ne les ai d'ailleurs jamais entendus miauler. Le miaulement chez les chats est uniquement utilisé pour communiquer avec les petits, ce comportement s’éteint a l’âge adulte et est réservé à la communication avec nous, cela en dit long sur la familiarisation de ces chats avec les humains.


Petit à petit, avec mon maigre salaire de stagiaire, j'essaye de faire de mon balcon un havre de paix pour ces chats, qui peuvent venir s'alimenter et s'abreuver, sans être importunés, je prenais un réel plaisir à juste les observer évoluer, libres et plutôt doués de relations sociales, pour des être dits solitaires.

Je remarque deux chattes, très jeunes, elles devaient avoir moins de 6 mois. Elles squattent de plus en plus le balcon, où elles peuvent avoir accès à des ressources tant convoitées sans prendre le risque d'affronter un conflit voire une bagarre. En effet, les chats les moins familiarisés aux humains, ne s'aventurent pas jusqu'ici, effrayés par notre présence.

Nous finissons par tous leur donner des noms, Vanille la gentille chatte blanche si craintive, Capuccino le beau gosse marron tigré qui se pavane, Badboy le chat noir et blanc toujours prêt a dégager tout le monde si croquettes il y a, Nimba, la jeune chatte tigrée joueuse et innocente ou encore Cacahouète la soeur de Nimba, sur laquelle je reviendrai plus tard.


J'avais déjà un chat, Chamalow, 13 ans, pépère au caractère bien affirmé, qui ne voyait pas d'un bon oeil mon coté altruiste et qui n'hésitait pas à feuler ces intrus dans le but de les mettre à distance, pour qu'ils se rappellent bien qu'avant tout ici, c'est SON balcon, sur SON domaine vital et que tout ce qu'il s'y trouve sont SES ressources.


Les mois passent et au fil du temps, Vanille et Nimba s'installent de plus en plus sur le balcon, qui finit par devenir leur lieu de prédilection, toujours sans oser rentrer dans l'appartement (ou alors très furtivement, en prenant la fuite dès qu'on pointe le bout de notre chausson), mais avec le temps, elles viennent nous saluer à l'ouverture des stores, se frottent, se laissent caresser.


Et un beau jour, Nimba nous annonce (ok c'est faux mais c'est joli dit comme ça) un heureux événement. Les chatons arriveront d'ici quelques semaines.

Et la un nouvel arc s'enclenche, l'arc "d'assistante maternelle" de cette maman très jeune et stressée. Je lui aménage un abri de fortune toujours sur le balcon et essaye de l'assister dans ce grand changement. Honnêtement je ne sais pas qui était le plus anxieux entre Nimba, mon compagnon ou moi. Je rentrais dès que possible des cours pour checker qu'ils soient toujours entiers, Yoann rentrait le midi pour s'occuper d'eux, en bref, à ce moment là, notre vie tournait autour de des chatons et de leur maman très vulnérables dans des conditions loin d'être idéales. Mais nous avions aussi l'impression de construire un lien très fort avec Nimba qui ne se méfiait quasiment plus de nous à cette période.


Sauf que lorsque nous l’avons emmené se faire stériliser après avoir placé les chatons, nous ne l’avons plus vue pendant des semaines à son retour, la confiance avait été rompue.

Le lien est très fragile, bien plus qu'avec un chat né dans un foyer et ayant côtoyé des humains depuis tout petit (dans le cas où il a vécu des expériences positives et non traumatisantes avec ces humains bien sûr). Pour le comprendre il faut impérativement accepter le fait que le chat qui a un passé plus difficile ne donnera pas totalement sa confiance car son instinct de survie prévaut et ce, même s'il n'y a pas de danger (à nos yeux) et que nous agissons avec les meilleures intentions du monde.


Une fois l'évènement traumatisant de la stérilisation passé et ma licence en poche, nous avons comme projet de repartir en région frontalière genevoise. Et là, une dure décision s'impose à nous : les laisser, ou les amener avec nous ? Vanille était trop habituée à cet endroit, elle n'avait jamais osé franchir le pas de la baie vitrée et la déplacer aurait été un événement bien trop traumatisant pour elle. Bien que nous étions très attachés à elle, nous avons dû nous résoudre à la laisser, pour son bien. Concernant Nimba, depuis qu'elle avait osé regagner notre balcon, elle rentrait plus volontiers dans l'appartement, jusqu'à s'installer sur le lit par moment. Etant bien plus jeune, nous avons tenté le paris de l'amener avec nous. En nous promettant que si c'est trop lourd pour elle (ou pour Chamalow, toujours pas fan de ces chats vagabonds) nous la ramènerons dans son milieu de vie originel.


C'est ainsi qu'une nouvelle caisse de transport à été achetée et que je débarque dans ma ville natale avec un nouveau chat. Et honnêtement, bien que j'ai toujours un pincement au coeur pour la petite Vanille qui aura toujours sa place dans mon coeur, ça a été une super décision concernant Nimba, qui a su s'adapter à son nouvel environnement et qui vit maintenant 6 ans plus tard dans un appartement en plein centre ville de Lyon. Elle est maintenant un vrai chat de canapé (tant qu'on ne sort pas l'aspirateur, qu'on ne se lève pas trop vite, que les voisins ne parlent pas dans le couloir, qu'on ne... bref vous avez compris)


On peut dire que la familiarisation à l’humain a été réussie de ce cas. Mais vous n’êtes pas sans savoir que chaque individu est différent. De plus, Nimba est arrivée dans nos vies à moins d’un an. Nous ne sommes pas venus la « sauver » c’est elle qui a recherché notre compagnie et nous avons toujours respecté son besoin d’espace.


La mère transmet son stress, ses craintes à ses embryons, Nimba était donc prédisposée à être stressée plus facilement qu’un autre chat, sa mère était inapprochable et très hostile aux humains, elle n'a jamais franchi le mur de notre balcon, bien qu'elle savait que des ressources très interessantes s'y trouvait, le ratio bénéfice - risque était trop bas.

Encore aujourd’hui, si nous nous déplaçons de manière trop vive, nous claquons un placard ou juste en passant un coup de balai, elle peut être très brusquée et apeurée. Bien qu’elle soit aujourd’hui habituée à ces bruits du quotidien, ces réflexes perdurent et lui sont intrinsèques.

Adopter un chat haret est un véritable challenge, que vous pouvez échouer et il faudra bien garder cette évnetualité en tête. Il faudra toujours veiller à ce que le bien être du chat soit mis au premier plan, s’armer de patience et de bienveillance. Ne retirez pas ce chat de son environnement pour l'enfermer dans un milieu qu'il n'a pas choisi et dans lequel il n'est pas à l'aise, c'est l'échec assuré. De plus, un chat peut être bien plus heureux en vivant à l'extérieur de manière independante plutot qu'en etant enfermé contre son gré dans un environnement inadapté.

Dans le cas où vous avez des enfants, il faudra absolument veiller à ce qu’ils soient bien briefés concernant les signaux envoyés par le chat et la demande de consentement. Et ne jamais pénétrer sa distance critique. Un rien peut détériorer votre relation et vous ramener des mois en arrière. Il ne faudra pas se décourager et ne pas s’incriminer, on parle d’un animal qui est probablement traumatisé par ce qu’il a vécu dans la rue.


Pour donner l'exemple d'une adoption ratée de chat haret, je vais reprendre le cas de la soeur de Nimba.

Une famille vivant au 3ème étage l'a repérée et celle ci étant plus approchable que les autres chats, elle s'est vue se faire soustraire de son domaine de vie pour se faire enfermer dans un appartement sans aucune possibilité de sortie.

Ce couple avait un enfant de 4 ans, très sollicitant avec cette chatte qui saisissait chaque occasion pour s'échapper de ce foyer qu'elle n'avait pas choisi, abritant ce petit être qui l'effrayait tant. Elle a fini sensibilisée aux êtres humains et n'est plus jamais retournée sur notre balcon en dépit de ses ressources, par crainte de se retrouver une nouvelle fois enfermée, ses propriétaires partant à sa recherche à chaque nouvelle fugue (le ratio bénéfices-risques, encore). Elle s'est résignée à vivre sous les combles de l'immeuble, ne sortant que brièvement durant la nuit.


Cette famille voulait bien faire et l'idée n'est pas de faire leur procès ou de les pointer du doigt. Mais plutôt de s'en servir comme exemple de comportement à ne pas reproduire face à ce profil de chat.

Les chats harets sont pour la plupart des chats qui ne recherchent pas la compagnie de l'humain et vivre avec nous ne coule pas de source pour eux.

C'est à nous de leur donner envie de profiter de notre compagnie, avec des expérience positives, un respect de leur consentement et un environnement qui favorise l'indépendance et la soustraction facilitée du chat qui peut vite se retrouver sur-sollicité.


Attention, en voulant faire une bonne action, vous risquez de rendre la vie de ce chat que vous voyez traîner dans votre quartier bien plus misérable qu’elle ne l’est actuellement.


Il y a également tellement de chats qui recherchent une famille dans des refuges et associations, que je suis sûre que vous trouverez le compagnon qui vous convient parmi eux. Vous aurez déjà une idée du profil du chat qui vous a tapé dans l'oeil via les renseignements disponibles de l'association.

Pour tous les Lyonnais, je vous conseille vivement l'association Ron'Rhône qui mène un travail de qualité avec ses petits protégés qui sont placés dans des familles d'accueils avant d'être adoptés définitivement. Partez tout de même du principe que ce chat aura lui aussi un passif plus ou moins lourd, qui nécessitera beaucoup de patience et peut être l'aide d'un professionnel pour optimiser le tout.



N’oublions pas qu’à la base les chats ne sont pas des espèces sociales et qu’ils peuvent très bien vivre hors d’un foyer régit par des humains.


Surtout, si vous voulez un chat pour qu'il joue avec vos enfants, qu'il vous fasse des câlins inlassablement ou qu'il se pavane quand vous recevez des visiteurs, déjà sachez que vous n'aurez jamais la certitude que le chat que vous adoptez remplira vos attentes, et ce, qu'il vienne d'un élevage, d'une association ou de la rue. Il faut accepter que le lien de confiance qui vous unit sera toujours plus fragile qu'avec un chat de maison.

Comme les humains, les chat ont eux aussi, leur histoire et leurs traumatismes

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